[Confédération][3] Semper et Ubique
Par : Gregor
Genre : Science-Fiction , Action
Status : C'est compliqué
Note :
Chapitre 14
Publié le 27/10/13 à 20:53:51 par Gregor
Une soupe gluante. L'esprit de Lik avait autant d'attrait que la senteur fétide d'un marécage mouronnant sous une chaleur caniculaire. Des relents d'épices et de senteurs corporelles murmuraient à ses narines une irrésistible envie de rendre tripes et boyaux dans un concert de râles. Guillhem aurait souhaité ne jamais s'enfoncer dans le dédale de ces pensées. Il se demanda longtemps comme il avait fait pour reproduire le miracle de la grotte où il avait tant souffert. Ici, seul sa volonté le guidait. Et la volonté seule l'amenait sur des terrains bien plus sordides que ce qu'il avait vu des tréfonds d'un esprit.
Lik était pervers. Il lui faisait revivre l'enfer de sa propre incorporation dans la Confrérie. Il n'avait que dix-neuf ans à l'époque, et son entrée remontait à plusieurs années. Guillhem avait espéré que le temps octroierait une amnésie légère à quelques détails de la boucherie à laquelle il faisait face. Il n'en était rien.
Le Naneyë avait été amputé d'une main par un techno-moine répondant au doux nom de Ratavech, un fanatique extrémiste qui avait puni la recrue d'un coup de machette vif et net, punition pour Lik d'être né d'une autre race que l'espèce humaine, et d'être par cette occasion insensible à toute forme de Conversion psychique. Il avait payé en douleur et en humiliation cette triste différence, comme nombre de Naneyë tombés entre les griffes d'un missionnaire tel que ce Ratavech.
Lik le força à contempler, par ses yeux, toute la cruauté de cette scène. Sa main droite tendu sur un billot, retenue par d'autres Naneyë déjà introduit dans la noble Confrérie des Externes, tandi qu'il suppliait qu'on le laisse servir le Dieu-Machine et les Hommes n'importe comment, mais pas en lui tranchant le bras. Il pleurait, il souffrait, et le missionnaire débitait de courtes prières pour l'absoudre de son seul tord, celui de ne pas être humain. La lame s’abattit sans retenue, et le moignon à vif arracha à Flinn la pire douleur qu'il avait connu. Il perdit pied, et revit sa propre torture, les visages aux rires grinçants de ses geôliers soudain plus présents que les figures austères des Externes.
- Un spectacle que vous aurez apprécié, j'espère, mon adjudant.
Guillhem reprit pied plus vite qu'il ne le crut. L'instant d'avant, il fouillait un passé trouble et troublant, et le voilà à nouveau assis sur une souche au milieu des Externes, dans l'éclat vif de Barnard Prime.
- Comment ont-ils pû ...
- La loi de l'honneur de notre peuple soigneusement détourné pour nous faire prendre conscience de la valeur du sacrifice physique. Et la preuve par l'acte de la nécessité de devenir un cyborg... Alors, mon adjudant, quel était le nom de ce sage missionnaire ?
- Ratavech, débita Guillhem, par automatisme. Mais, soldat, je ne voulais pas...
- Le test est réussi, approuva Lik. Le missionnaire s’appelait Ratavech. Vous aviez raison, mon commandant... L'adjudant de Choire pratique le hhrodath. Et je vous fais mes excuses pour mon comportement inapproprié.
- Excuses acceptés, soldat, grogna Flinn. Mais que cela ne se reproduise pas à l'avenir.
- Aucun risque, mon commandant.
- Alors, reprenons où nous en étions. Nous avancerons jusqu'au défilé, nous le franchirons à la tombé de la nuit, et nous camperons juste après. Pas d'objection ?
Toute l'escouade approuva. L’altercation de l'officier avec son soldat semblait déjà prendre la coloration d'un souvenir. Mais pour Guillhem, il était difficile d'oublier l'horrible spectacle qu'il venait de contempler.
L'orage éclata sur le crépuscule. Le défilé venait d'être franchi, bien plus rapidement que prévu, tout comme la jungle qui l'avait précédé. Les abords de la rivière étaient curieusement dénudés, offrant un véritable tapis rouge à l'expédition. Naturellement, quelques difficultés avaient surgit dans l'avancée, et Flinn avait dû faire cesser le convoi à plusieurs reprises. Mais il savait que le plus dur était fait. Lorsque la pluie se mit à battre le tambour muet de la roche saillante, murs vertigineux l'entourant de leurs masses dantesques, il sût qu'il pourrait mener ses hommes jusqu'à Hugo Point. Et plus important encore, il saurait comment utiliser Guillhem tout en détruisant toute velléité délétère.
La rivière serpentait dans les ultimes chaos ruiniforme, les soldats suivaient l'étroit corridor d'une plate-forme rocheuse imparfaite mais stable, tandis que le ciel les arrosait d'une faveur tiède et grasse. Le boyau terrestre s'ouvrit en un vaste cirque où les verts se teintaient de gris dans la nuit naissante, laissant à voir un réseau de raidillon sinueux menant jusqu'à un plateau couronné par quelques arbres rachitiques.
Flinn leva la main, signe de pause que tous observèrent. L'équipée se réunit autour de son chef et l'écouta en silence.
- Vous avez bien avancé. Nous défions les prévisions de l'Ankara. Vous pouvez être fiers de vous. Cependant, la pluie n'arrange pas nos affaires... Et il reste le cours d'eau à traverser. Un passage à gué serait une sécurité nécessaire, hélas, nous n'en avons observé aucun sur la fin du défilé qui nous permettent de prendre pied sur l'autre rive.
- Qu'attendez-vous de nous, mon commandant ? osa un soldat.
- J'ai réfléchi à plusieurs solutions ... Mais aucune n'est parfaite. Nous pouvons tenter de traverser en groupe la rivière, en priant pour que le niveau de l'eau ne monte pas trop rapidement avec les pluie qui s'annoncent. Envoyer des éclaireurs peut être un gage de sécurité, mais nous faire perdre un temps précieux si une crue se déclare.
Il marqua un temps de pause, scruta l'assemblée, puis reprit.
- La dernière solution viable, après les relevés de l'Ankara, consisterait à adopter le plan d’infiltration de l'adjudant de Choire.
Un murmure glissa dans les rangs. A nouveau Flinn se tut, hocha la tête en plaçant un index devant sa bouche.
- Étant donné la proximité de notre objectif, le matériel des personnels apte à effectuer la mission est largement suffisant. En une heure, Hugo Point peut tomber.
Les regards se tournèrent vers Guillhem.
- Un plan audacieux, s'amusa Flinn en souriant. Cependant, avant de vous demander de choisir, laissez moi exposer deux closes essentielles à cette dernière option. La première, bien qu'évidente, mérite d'être rappellé : aucun membre de cette escouade, cyborg ou non, ne peut être contraint d'y participer. C'est la conscience de chacun dans les risques à prendre qui doit guider son choix. La seconde, tout aussi logique que la première, suit le même raisonnement : si l'opération d’infiltration est choisie, un délai d'une heure sera accordé avant que nous ne reprenions la route afin de de mener un assaut conventionnel. L'échec de la mission d'infiltration sera mise au crédit de ce qui y participeront, tout comme leur éventuelle victoire. Suis-je bien clair ?
Guillhem se mordit la lèvre. Flinn avait eu le loisir de réfléchir à la plus belle manière de lui souffler un coup magistral, l'isolant dans le groupe pour mieux le mater. Certes, l'humain avait sauvé son honneur, mais ce n'était qu'un coup de bluff. Guillhem avait sauvé sa propre peau, et savait parfaitement quel rôle Flinn cherchait à jouer en l'utilisant comme parfait faire-valoir. L'orgueil du sous-officier seul pouvait le conduire à sa perte, mais sa gloire serait un instrument abordable et éclatant pour son propre intérêt. Flinn se savait désormais protégé. Il se laissa aller à un demi-sourire entendu. Une expression que Guillhem fixa longuement.
- Peut-on procéder au vote ?
Une approbation générale fut entendue. Flinn jubilait du piège qu'il avait tendu. Guillhem allait se traîner à sa suite, quoique choisisse l'escouade.
- Parfait. Je propose de commencer par la solution de l'infiltration. Qui est pour ?
Six mains se levèrent. Flinn, sans réelles surprises, s'aperçut que les six potentiels volontaires étaient favorables à cette option.
- Concernant l'option de départ ... Qui est pour ?
Une douzaine d'autres mains se levèrent.
- Voilà un résultat relativement clair... Dans ce cas, nous trouverons un passage à gué. Et les volontaires pour l’infiltration nous abandonnerons dès que nous aurons plus d'information de la part de l'Ankara.
La décision stupéfia l'escouade.
- N'est ce pas incohérent ? questionna le sergent Leenk.
- Je ne trouve pas, répondit avec aplomb l'officier. Le temps que nous traversions la rivière et que nous entamions la montée vers le plateau, nous aurons bien assez d'informations pour savoir s'il est possible de mener une telle opération.
- Et en cas d'échec ?
- Alors nous aviserons.
- Mais, mon commandant, vous avez vous même dit que...
- Vous n'êtes pas ici pour réfléchir lorsque je ne vous l'autorise pas, coupa Flinn. Je sais parfaitement ce que j'ai dit, notamment au sujet d'éventuels renfort dans la rébellion si Hugo Point ne tombe pas. Mais les données ont changés. Nous avançons plus rapidement que prévu. La pluie va nous rendre plus difficile à repérer. D'autre part, le vallon envisagé comme solution d'approche va être rendu impraticable. Il ne nous restera alors que l'approche frontale, avec tous les risques que cela comporte. Et sur trois kilomètres, nous nous ferrons tirés comme des lapins. Aussi, l’infiltration est le moindre mal qui puisse arriver à cette escouade.
- Mais la pluie pourrait nous dissimuler jusqu'au pied de ...
- Le temps pourrait tourner très vite. Nous avons déjà eu le loisir de nous en apercevoir voici quelques jours.
- Il doit pourtant y avoir une autre solution ...
- Dans ce cas, trouvez là.
Le ton glacial de Flinn ne souffrait aucune contestation.
- Puisque le vote est clos, je propose trois binômes pour chercher un passage à gué. Tous ceux qui resteront sur la rive établiront un campement sur les rochers situés à cent mètres de la berge, vers l'ouest. Des volontaires ?
Quelques timides mains se levèrent, donc celle de Leenk. Flinn le toisa, sans ménagement, et sous subalterne soutint la férocité de son regard. Il devenait évident que Flinn avait certaines difficultés à gérer cette équipe de fortes tête. Mais il en était le chef, et il n'entendait pas se rendre si facilement au bon sens apparent.
La pluie cessa aussitôt que le rocher plat hérissé de constructions se trouva en vue. Du haut de la colline adjacente, Hugo Point avait un faux air de citadelle, perchée au dessus d'un vallon sombre, découpé de formes cauchemardesques. Les projections hollo qu'avaient recueillis Guillhem correspondait parfaitement à ce qu'il observait. Un gros cube surmonté d'une coupole scintillante, où se détachait la silhouette longiligne du canon, long de près de vingt mètres. Au pied du bâtiment, quelques préfabriqués standardisés se serraient dans un ordonnancement approximatif. Les lueurs de quelques éclairages disséminés ajoutaient une ambiance particulière au lieu.
Un sourire anima le visage de l'adjudant. En vol stationnaire depuis quelques secondes, ils e posa en douceur dans l'herbe détrempée, imité par les autres membres de l'expédition.
- De Choire au rapport, énonça-t-il sans douceur. La cible est en vue.
- Bien reçu, mon adjudant, répondit un des soldats.
Guillhem vérifia à nouveau les données reçues de l'Ankara. « Le Dieu-Machine veille sur nous », songea-t-il en constatant que le nombre d'ennemis identifiés n'excédait pas la dizaine. La mission pouvait rapidement être menée, à condition que les cinq autres cyborgs l'accompagnant respecte scrupuleusement leurs tâches. Le canon ionique restait leur principal objectif. Une fois que celui-ci serait sécurisé, la base de vie serait très facile à contrôler. Il ne restait plus qu'à souhaiter que leur approche se fasse dans la plus grande discrétion, et qu'ils ne soient pas détectés. La pluie les avait jusqu'à présent couvert d'éventuels radars, leur laissant le champ libre pour avancer rapidement. En moins de vingt minutes, ils avaient couvert la distance séparant la rivière de la ligne de crête. Les brouilleurs installés sur leurs armures étaient restés inactifs, mais Guillhem décida de sacrifier un peu de son énergie électrique pour assurer la continuité de leur couverture. Il en informa les autres membres de l'équipée.
- Nous passerons en silence radio dès que nous reprendrons, indiqua-t-il. Vous utiliserez les brouilleurs radars, vous réduirez vos vitesses respectives, et vous vous concentrerez sur vos postes. Randir, Vletch et Leek avec moi. Silguh et Orst, sur le générateur électrique de la base. Des questions ?
Personne n'ajouta mot.
- Dans ce cas.
Guillhem réactiva son système de propulsion, se dirigeant à petit vitesse vers Hugo Point, ses pieds effleurant les brins verdâtres de la steppe descendant vers sa destination.
Lik était pervers. Il lui faisait revivre l'enfer de sa propre incorporation dans la Confrérie. Il n'avait que dix-neuf ans à l'époque, et son entrée remontait à plusieurs années. Guillhem avait espéré que le temps octroierait une amnésie légère à quelques détails de la boucherie à laquelle il faisait face. Il n'en était rien.
Le Naneyë avait été amputé d'une main par un techno-moine répondant au doux nom de Ratavech, un fanatique extrémiste qui avait puni la recrue d'un coup de machette vif et net, punition pour Lik d'être né d'une autre race que l'espèce humaine, et d'être par cette occasion insensible à toute forme de Conversion psychique. Il avait payé en douleur et en humiliation cette triste différence, comme nombre de Naneyë tombés entre les griffes d'un missionnaire tel que ce Ratavech.
Lik le força à contempler, par ses yeux, toute la cruauté de cette scène. Sa main droite tendu sur un billot, retenue par d'autres Naneyë déjà introduit dans la noble Confrérie des Externes, tandi qu'il suppliait qu'on le laisse servir le Dieu-Machine et les Hommes n'importe comment, mais pas en lui tranchant le bras. Il pleurait, il souffrait, et le missionnaire débitait de courtes prières pour l'absoudre de son seul tord, celui de ne pas être humain. La lame s’abattit sans retenue, et le moignon à vif arracha à Flinn la pire douleur qu'il avait connu. Il perdit pied, et revit sa propre torture, les visages aux rires grinçants de ses geôliers soudain plus présents que les figures austères des Externes.
- Un spectacle que vous aurez apprécié, j'espère, mon adjudant.
Guillhem reprit pied plus vite qu'il ne le crut. L'instant d'avant, il fouillait un passé trouble et troublant, et le voilà à nouveau assis sur une souche au milieu des Externes, dans l'éclat vif de Barnard Prime.
- Comment ont-ils pû ...
- La loi de l'honneur de notre peuple soigneusement détourné pour nous faire prendre conscience de la valeur du sacrifice physique. Et la preuve par l'acte de la nécessité de devenir un cyborg... Alors, mon adjudant, quel était le nom de ce sage missionnaire ?
- Ratavech, débita Guillhem, par automatisme. Mais, soldat, je ne voulais pas...
- Le test est réussi, approuva Lik. Le missionnaire s’appelait Ratavech. Vous aviez raison, mon commandant... L'adjudant de Choire pratique le hhrodath. Et je vous fais mes excuses pour mon comportement inapproprié.
- Excuses acceptés, soldat, grogna Flinn. Mais que cela ne se reproduise pas à l'avenir.
- Aucun risque, mon commandant.
- Alors, reprenons où nous en étions. Nous avancerons jusqu'au défilé, nous le franchirons à la tombé de la nuit, et nous camperons juste après. Pas d'objection ?
Toute l'escouade approuva. L’altercation de l'officier avec son soldat semblait déjà prendre la coloration d'un souvenir. Mais pour Guillhem, il était difficile d'oublier l'horrible spectacle qu'il venait de contempler.
L'orage éclata sur le crépuscule. Le défilé venait d'être franchi, bien plus rapidement que prévu, tout comme la jungle qui l'avait précédé. Les abords de la rivière étaient curieusement dénudés, offrant un véritable tapis rouge à l'expédition. Naturellement, quelques difficultés avaient surgit dans l'avancée, et Flinn avait dû faire cesser le convoi à plusieurs reprises. Mais il savait que le plus dur était fait. Lorsque la pluie se mit à battre le tambour muet de la roche saillante, murs vertigineux l'entourant de leurs masses dantesques, il sût qu'il pourrait mener ses hommes jusqu'à Hugo Point. Et plus important encore, il saurait comment utiliser Guillhem tout en détruisant toute velléité délétère.
La rivière serpentait dans les ultimes chaos ruiniforme, les soldats suivaient l'étroit corridor d'une plate-forme rocheuse imparfaite mais stable, tandis que le ciel les arrosait d'une faveur tiède et grasse. Le boyau terrestre s'ouvrit en un vaste cirque où les verts se teintaient de gris dans la nuit naissante, laissant à voir un réseau de raidillon sinueux menant jusqu'à un plateau couronné par quelques arbres rachitiques.
Flinn leva la main, signe de pause que tous observèrent. L'équipée se réunit autour de son chef et l'écouta en silence.
- Vous avez bien avancé. Nous défions les prévisions de l'Ankara. Vous pouvez être fiers de vous. Cependant, la pluie n'arrange pas nos affaires... Et il reste le cours d'eau à traverser. Un passage à gué serait une sécurité nécessaire, hélas, nous n'en avons observé aucun sur la fin du défilé qui nous permettent de prendre pied sur l'autre rive.
- Qu'attendez-vous de nous, mon commandant ? osa un soldat.
- J'ai réfléchi à plusieurs solutions ... Mais aucune n'est parfaite. Nous pouvons tenter de traverser en groupe la rivière, en priant pour que le niveau de l'eau ne monte pas trop rapidement avec les pluie qui s'annoncent. Envoyer des éclaireurs peut être un gage de sécurité, mais nous faire perdre un temps précieux si une crue se déclare.
Il marqua un temps de pause, scruta l'assemblée, puis reprit.
- La dernière solution viable, après les relevés de l'Ankara, consisterait à adopter le plan d’infiltration de l'adjudant de Choire.
Un murmure glissa dans les rangs. A nouveau Flinn se tut, hocha la tête en plaçant un index devant sa bouche.
- Étant donné la proximité de notre objectif, le matériel des personnels apte à effectuer la mission est largement suffisant. En une heure, Hugo Point peut tomber.
Les regards se tournèrent vers Guillhem.
- Un plan audacieux, s'amusa Flinn en souriant. Cependant, avant de vous demander de choisir, laissez moi exposer deux closes essentielles à cette dernière option. La première, bien qu'évidente, mérite d'être rappellé : aucun membre de cette escouade, cyborg ou non, ne peut être contraint d'y participer. C'est la conscience de chacun dans les risques à prendre qui doit guider son choix. La seconde, tout aussi logique que la première, suit le même raisonnement : si l'opération d’infiltration est choisie, un délai d'une heure sera accordé avant que nous ne reprenions la route afin de de mener un assaut conventionnel. L'échec de la mission d'infiltration sera mise au crédit de ce qui y participeront, tout comme leur éventuelle victoire. Suis-je bien clair ?
Guillhem se mordit la lèvre. Flinn avait eu le loisir de réfléchir à la plus belle manière de lui souffler un coup magistral, l'isolant dans le groupe pour mieux le mater. Certes, l'humain avait sauvé son honneur, mais ce n'était qu'un coup de bluff. Guillhem avait sauvé sa propre peau, et savait parfaitement quel rôle Flinn cherchait à jouer en l'utilisant comme parfait faire-valoir. L'orgueil du sous-officier seul pouvait le conduire à sa perte, mais sa gloire serait un instrument abordable et éclatant pour son propre intérêt. Flinn se savait désormais protégé. Il se laissa aller à un demi-sourire entendu. Une expression que Guillhem fixa longuement.
- Peut-on procéder au vote ?
Une approbation générale fut entendue. Flinn jubilait du piège qu'il avait tendu. Guillhem allait se traîner à sa suite, quoique choisisse l'escouade.
- Parfait. Je propose de commencer par la solution de l'infiltration. Qui est pour ?
Six mains se levèrent. Flinn, sans réelles surprises, s'aperçut que les six potentiels volontaires étaient favorables à cette option.
- Concernant l'option de départ ... Qui est pour ?
Une douzaine d'autres mains se levèrent.
- Voilà un résultat relativement clair... Dans ce cas, nous trouverons un passage à gué. Et les volontaires pour l’infiltration nous abandonnerons dès que nous aurons plus d'information de la part de l'Ankara.
La décision stupéfia l'escouade.
- N'est ce pas incohérent ? questionna le sergent Leenk.
- Je ne trouve pas, répondit avec aplomb l'officier. Le temps que nous traversions la rivière et que nous entamions la montée vers le plateau, nous aurons bien assez d'informations pour savoir s'il est possible de mener une telle opération.
- Et en cas d'échec ?
- Alors nous aviserons.
- Mais, mon commandant, vous avez vous même dit que...
- Vous n'êtes pas ici pour réfléchir lorsque je ne vous l'autorise pas, coupa Flinn. Je sais parfaitement ce que j'ai dit, notamment au sujet d'éventuels renfort dans la rébellion si Hugo Point ne tombe pas. Mais les données ont changés. Nous avançons plus rapidement que prévu. La pluie va nous rendre plus difficile à repérer. D'autre part, le vallon envisagé comme solution d'approche va être rendu impraticable. Il ne nous restera alors que l'approche frontale, avec tous les risques que cela comporte. Et sur trois kilomètres, nous nous ferrons tirés comme des lapins. Aussi, l’infiltration est le moindre mal qui puisse arriver à cette escouade.
- Mais la pluie pourrait nous dissimuler jusqu'au pied de ...
- Le temps pourrait tourner très vite. Nous avons déjà eu le loisir de nous en apercevoir voici quelques jours.
- Il doit pourtant y avoir une autre solution ...
- Dans ce cas, trouvez là.
Le ton glacial de Flinn ne souffrait aucune contestation.
- Puisque le vote est clos, je propose trois binômes pour chercher un passage à gué. Tous ceux qui resteront sur la rive établiront un campement sur les rochers situés à cent mètres de la berge, vers l'ouest. Des volontaires ?
Quelques timides mains se levèrent, donc celle de Leenk. Flinn le toisa, sans ménagement, et sous subalterne soutint la férocité de son regard. Il devenait évident que Flinn avait certaines difficultés à gérer cette équipe de fortes tête. Mais il en était le chef, et il n'entendait pas se rendre si facilement au bon sens apparent.
La pluie cessa aussitôt que le rocher plat hérissé de constructions se trouva en vue. Du haut de la colline adjacente, Hugo Point avait un faux air de citadelle, perchée au dessus d'un vallon sombre, découpé de formes cauchemardesques. Les projections hollo qu'avaient recueillis Guillhem correspondait parfaitement à ce qu'il observait. Un gros cube surmonté d'une coupole scintillante, où se détachait la silhouette longiligne du canon, long de près de vingt mètres. Au pied du bâtiment, quelques préfabriqués standardisés se serraient dans un ordonnancement approximatif. Les lueurs de quelques éclairages disséminés ajoutaient une ambiance particulière au lieu.
Un sourire anima le visage de l'adjudant. En vol stationnaire depuis quelques secondes, ils e posa en douceur dans l'herbe détrempée, imité par les autres membres de l'expédition.
- De Choire au rapport, énonça-t-il sans douceur. La cible est en vue.
- Bien reçu, mon adjudant, répondit un des soldats.
Guillhem vérifia à nouveau les données reçues de l'Ankara. « Le Dieu-Machine veille sur nous », songea-t-il en constatant que le nombre d'ennemis identifiés n'excédait pas la dizaine. La mission pouvait rapidement être menée, à condition que les cinq autres cyborgs l'accompagnant respecte scrupuleusement leurs tâches. Le canon ionique restait leur principal objectif. Une fois que celui-ci serait sécurisé, la base de vie serait très facile à contrôler. Il ne restait plus qu'à souhaiter que leur approche se fasse dans la plus grande discrétion, et qu'ils ne soient pas détectés. La pluie les avait jusqu'à présent couvert d'éventuels radars, leur laissant le champ libre pour avancer rapidement. En moins de vingt minutes, ils avaient couvert la distance séparant la rivière de la ligne de crête. Les brouilleurs installés sur leurs armures étaient restés inactifs, mais Guillhem décida de sacrifier un peu de son énergie électrique pour assurer la continuité de leur couverture. Il en informa les autres membres de l'équipée.
- Nous passerons en silence radio dès que nous reprendrons, indiqua-t-il. Vous utiliserez les brouilleurs radars, vous réduirez vos vitesses respectives, et vous vous concentrerez sur vos postes. Randir, Vletch et Leek avec moi. Silguh et Orst, sur le générateur électrique de la base. Des questions ?
Personne n'ajouta mot.
- Dans ce cas.
Guillhem réactiva son système de propulsion, se dirigeant à petit vitesse vers Hugo Point, ses pieds effleurant les brins verdâtres de la steppe descendant vers sa destination.
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